Antre
Il y a l'antre et toi qui ne viens pas. Toi qui ne viens pas.
Les barrières sont dressées, tu restes derrière. Tu restes derrière.
Si quelqu'un entrait, il verrait le champ de ruines mais pourtant, il y a le jardin qui refleurit.
Un rire d'enfant mort accroché au-dessus de la porte. La marmite bouillonne les élixirs venimeux. La petite âme attend son heure au coin du feu. La bibliothèque des grimoires anciens, qui les lira ? Qui les lira ?
Les souvenirs tortueux prennent sombrement le thé, et ressassent et ressassent. Qui les écoutera ?
Le temps suspendu sur l'horloge cassée, l'aiguille pend, l'autre tourne à l'envers. Pourtant, il y a le jardin qui refleurit. Elle le voit par la fenêtre en devisant avec les monstres tapis sous le lit. Qui les rassurera ?
Les voyageurs sont venus. Le guerrier blessé, l'aventurier éprouvé, le conteur de sornettes, et puis sont repartis. Elle est restée assise près de la cheminée pour filer. Un point dessus, un point dessous, jusqu'à ce que la destinée s'en mêle. Les jours et les années défilent. Dans son giron, le chat noir ronronne. Les rêves l'accompagnent, la guident et l'envolent. Et puis la chute. Les rêves trépassent, son ventre ne s'arrondit pas.
Son ventre ne s'arrondit pas.
Les barrières, le rire funeste, les élixirs mortifères, l'âme errante, les vieux grimoires, les souvenirs qui dînent, le temps qui s'étiole, les monstres sous le tapis, trop de terreurs révélées au commun des mortels.
Qui voit sans comprendre. Qui juge sans savoir. Qui craint sans aimer.
Elle sourit, malgré tout. Elle attend, sans espoir.
L'aveugle sans mémoire, viendra-t-il ?
Viendra-t-il ?